Home
Translate
Horticulture
Les systèmes à planches surélevées: un moyen de produire des légumes hors saison en zone tropicale et subtropicale

Les systèmes à planches surélevées: un moyen de produire des légumes hors saison en zone tropicale et subtropicale
Kleinhenz, V.; Schnitzler, W. H.; Midmore, D. J., 1996
Agriculture + Développement Rural, 3, 60-62


Les systèmes à planches surélevées: un moyen de produire des légumes hors saison en zone tropicale et subtropicale

Les systèmes à planches surélevées: un moyen de produire des légumes hors saison en zone tropicale et subtropicale

 

Volker Kleinhenz, David Midmore, Wilfried Schnitzler

Pour enrayer la destruction des terres dans les régions montagneuses et défavorisées des zones tropicales, il faut accroître la production légumière sur les surfaces agricoles existantes, c'est-à-dire dans les plaines à haute densité de population et, habituellement, à dominante rizicole. L'agriculture sur planches surélevées permanentes offre peut-être une solution à ce problème. Son objectif est de maîtriser les inondations provoquées par les pluies d'été grâce à une pratique agricole qui consiste à surélever les planches de culture, et non par l'obtention de légumes tolérants aux inondations.

 

L’idée d'aménager des «champs sur élevés» pour y cultiver des plantes a été développée en Amérique latine il y a quatre mille ans. Dans les plaines tropicales de ce sous-continent, des «Chinampas» de taille gigantesque alimentaient des populations denses et importantes pendant de longues périodes (Turner & Harrison, 1981). Depuis peu, on étudie les possibilités de remise en pratique du système des champs surélevés dans le cadre de l'agriculture moderne (Werner, 1994). Actuellement, on peut rencontrer des systèmes permanents de planches surélevées dans toute l'Asie du Sud-Est, en Inde (Singh & Gangwar, 1989) et en Chine (Chiu, 1987; Plucknett & Beemer, 1981) par exemple. Des modèles complexes de rotation et d'association des cultures per mettent d'exploiter au maximum le temps et l'espace disponibles en quantité limitée, en particulier dans les régions périurbaines. La culture légumière sur planches basses est toutefois bien plus répandue. C'est pourquoi les recherches effectuées dans ce domaine au cours de ces 20 dernières années par le Centre de recherche et de développement sur les légumes en Asie (Asian Vegetable Research and Development Center – AVRDC) étaient axées sur l'élévation temporaire des planches pour une seule culture (AVRDC, 1979). Si les avantages potentiels de ce procédé en termes de rendement ont été prouvés à de maintes reprises, l'analyse économique a montré que les bénéfices tirés de l'accroissement de la récolte ne pouvaient sans doute pas compenser les frais supplémentaires occasionnés par la construction des planches surélevées temporaires (tableau 1).

 

Tableau 1: Données économiques des planches surélevées temporaires de I'AVRDC entre 1979 et 1994

 

Hauteur de la planche

Rende-ment

Coût de la
construction des

planches
surélevées

Prix de vente des
légumes nécessaire

pour compenser les
frais des construction

Probabilité d'obtenir

le prix
de vente

(cm)

(kg/m2)

(NT$/m2)

(NT$/kg)

 

Tomate 1979

 

 

15

30

0.57

2.09

20.85

13.70

probable

Tomate 1981

 

 

15

30

45

0.11

0.82

0.91

20.85

41.70

29.40

52.10

douteux

peu probable

Chou chinois 1981

 

 

15

30

45

0.63

1.21

1.43

20.85

41.70

36.00

52.10

peu probable

peu probable

Piment 1992

 

 

20

30

40

1.01

1.42

1.73

13.90

27.80

33.90

38.60

probable

probable

Tomate 1994

 

 

20

40

1.02

0.89

27.80

-

impossible

 

Lorsque l'on emploie un système à planches surélevées permanentes, le coût de la construction, et même celui de la restauration, peut être rentabilisé sur plusieurs récoltes. Étant donné que, comme on a pu le constater, le système des planches surélevées n'apporte pas d'avantages pour les cultures de la saison sèche, son intérêt économique dépend entièrement des performances des cultures légumières de la saison humide. Au cours d'essais menés par l'AVRDC, le choix judicieux des espèces de légumes appropriés pour la culture d'été a permis de démontrer la supériorité du système de planches surélevées permanentes par rapport à la culture conventionnelle sur planches basses au cours du premier cycle de culture (tableau 2).

 

Tableau 2: Données économiques des planches surélevées permanentes de I'AVRDC pour 1993/1994

 

Culture

Rendements

planches

surélevées

Rendements

planches

basses

Prix de vente

des légumes

Contribution aux frais de

construction

 

(kg/m2)

(kg/m2)

($NT/kg)

($NT/m2)

Chou chinois

2.16

1.37

19,16

15.14

Piment, 1-e récolte

0.12

0.03

44.97

4.05

Piment, 2-e récolte

0.12

0.03

44.97

4.05

Piment, 3-e récolte

0.57

0.12

39.87

17.94

Piment, 4-e récolte

0.19

0.10

21.30

1.92

Carotte

1.20

1.29

7.01

-0.63

Soja vert

1.12

1.26

48.20

-6.75

 

 

 

Total

35.72

 

Organisation d'un système de production légumière sur planches surélevées permanentes

 

En raison de la présence d'une semelle de labour développée à l'origine pour la riziculture traditionnelle, il n'est plus possible de creuser des fossés d'une profondeur supérieure à 40 ou 50 cm. Par conséquent, la hauteur des planches surélevées dépend directement de la largeur des fossés, laquelle dépend à son tour de la fonction des fossés: canal d'irrigation et de drainage, sentier ou site de culture pour les plantes aquatiques (riz par exemple). La construction et la restauration des planches doivent avoir lieu au cours de la saison sèche. Afin d'offrir des conditions optimales aux cultures d'été, il convient d'effectuer ces travaux au début de la saison sèche. On pourra ainsi procéder aux menus travaux de consolidation parallèlement à la culture d'hiver, ce qui réduira les risques d'érosion lors de la culture d'été.

La construction, la restauration et l'entretien des planches surélevées permanentes demandent beaucoup de travail, qui peut être fait en partie par des machines. La culture légumière demandant généralement une main d'œuvre importante, le coût de l'aménagement de planches surélevées n'est pas excessif si on le compare aux autres coûts de production.

Dans le Sud-Est asiatique, la largeur des planches est très variable. Même si les résultats des essais menés par l'AVRDC n'ont pas fait apparaître de différences dérangement significatives entre différentes largeurs de planches, il semblerait que les effets (positifs et négatifs) du mode de culture sur planche surélevée sont d'autant plus faibles que les planches sont larges.

Le prix des légumes varie considérablement entre la saison sèche et la saison pluvieuse. Pour réaliser des bénéfices aussi élevés que possible avec un système de planches surélevées permanentes, il convient de choisir en premier lieu des espèces de légumes sensibles à l'inondation: Les essais de l'AVRDC ont montré que le chou chinois et le piment se prêtaient bien à ce mode de culture en été (figures 1 et 2).

 

Description: High bed systems_Pic-1

Pour obtenir des résultats optimaux, des rangées espacées sont préférables à des plantations drues (figure 3).

 

Description: High bed systems_Pic-1

 

Les facteurs de croissance dans les systèmes de production légumière sur planches surélevées permanentes

 

Les principaux dommages causés par les inondations aux légumes proviennent du manque d'oxygène au niveau des racines, qui empêche la plante d'absorber l'eau. La perturbation du système hormonal de la plante peut être elle aussi source de dommages (Kramer, 1969). Enfin, les planches basses peuvent présenter pour la culture de légumes des inconvénients liés au climat tropical et aux caractéristiques des sols exploités auparavant en riziculture traditionnelle.

Le principe de base de la culture maraîchère sur planches surélevées consiste à surmonter le stress causé par les inondations en évacuant l'excédent d'eau dans le sol au moyen d'un drainage amélioré, qui se traduit par un taux d'infiltration de l'eau plus élevé.

Cependant, l'accélération de l'évacuation de l'eau fait aussi augmenter le risque d'un déficit hydrique dans les planches surélevées à la saison sèche. Les fossés étant continuellement irrigués, l'humidité du sol et, par suite, les rendements sont élevés en bordure des planches et décroissent vers l'intérieur (figure 4). A la saison des pluies, les rendements devraient en principe être plus élevés dans les parties moins humides des planches, mais cet effet n'est pas très net.

 

Description: High bed systems_Pic-1

 

Dans les sols de riziculture, le système racinaire des légumes cultivés sur des planches basses ne pénètre pas au-delà de la couche superficielle du sol. Sur les planches surélevées, il se développe mieux. Les racines ne s'enfoncent pas forcément beaucoup plus profondément, mais elles développent une densité bien plus élevée entre 30 et 50 centimètres de profondeur. On suppose que ce meilleur développement des racines est dû avant tout à la teneur en eau plus faible, et donc à un meilleur approvisionnement en oxygène, dans les couches profondes du sol.

Pendant la saison sèche, le taux de minéralisation de l'azote organique est plus élevé dans les planches basses. Parallèlement, la baisse de la teneur en azote minéral dans les couches profondes du sol est plus prononcée dans les planches basses que dans les planches surélevées. Il est possible de démontrer, par une analyse de régression multiple de la concentration de NO3 dans la sève du pétiole des plantes cultivées par rapport à la concentration de NO3 à différentes profondeurs dans le sol, que les légumes qui poussent sur des planches surélevées puisent également dans les réserves d'azote situées à une profondeur supérieure à 30 cm (Westcott & Knox, 1994) (figure 5). Dans les planches basses en revanche, les racines restent dans une couche de sol superficielle et ne peuvent accéder aux éléments situés plus en profondeur; l'azote profond n'est donc pas disponible pour les plantes et risque d'être emporté. La culture sur planches surélevées contribue ainsi à prévenir le lessivage et la pollution de l'environnement.

 

Description: High bed systems_Pic-1

 

Récapitulation et conclusion

 

Les systèmes de culture sur planches surélevées remontent à l'Antiquité et se rencontrent dans différentes régions tropicales et subtropicales.

Afin de compenser le coût élevé de la construction des planches, il convient d'établir des planches permanentes qui porteront plusieurs cultures plutôt qu'une seule. La rentabilité du système dépend également de son organisation et peut être améliorée en optimisant plusieurs facteurs: dimensions, calendrier de la construction, mécanisation, choix des cultures et disposition des plantes.

Les avantages agronomiques et écologiques des planches surélevées par rapport aux planches basses résultent de la meilleure évacuation des excédents d'eau (particulièrement dans les couches inférieures du sol, ce qui permet une pénétration plus profonde des racines), de la stabilité des ions NO3, et d'une meilleure absorption de l'azote par les cultures, ce qui limite les pertes d'azote par lessivage.

La combinaison des pratiques agricoles modernes et des méthodes traditionnelles d'aménagement de planches surélevées permanentes permet de progresser vers trois objectifs : accroître la production légumière des plaines, surtout rizicoles, des régions tropicales et subtropicales, en particulier en saison pluvieuse, c'est-à-dire en été; améliorer les revenus des paysans; et réduire la pollution de l'environnement.

 

Bibliographie

AVRDC 1979-94: AVRDC Progress Report. Asian Vegetable Research and Development Center. Shanhua, Tainan.

Chiu, C. C., 1987: Evolution of farming systems in Taiwan. ASPAC Extension Bulletin 265. Food and Fertiliz. Technol. Center for the ASPAC Region, Taipei.

Kramer, P. J., 1969: Plant and soil water relationships: A modem synthesis. McGraw-Hill, New York.

Plucknett D. L., Beemer, H.L. (eds.), 1981: Vegetable farming systems in China. Westview Press, Boulder.

Singh, S., Gangwar, B., 1989: Integrated farming systems for Bay Islands. Indian Farming 89(2). 21-24.

Turner, B. L., Harrison, P. D., 1981: Prehistoric raised-field agriculture in the Maya lowlands. Science 213. 399-405.

Werner. L., 1994: The chinampa system: marshland magic of the Aztecs. Ceres 147. 12-13.

Westcott, M. P., Knox, M. L, 1994: Kinetics of soil-plant nitrate relations in potato and peppermint: A model for derivative diagnosis. Commun. Soil Sci. Plant Anal. 25(5&6), 469-478.

 

Volker Kleinhenz

Centre de recherche et de développement sur les légumes en Asie (Asian Vegetable Research and Development Center – AVRDC), Shanhua, Tainan, Taiwan

 

David J. Midmore

Professeur auprès la Central Queensland University, Rockhampton, Qld, Australie

 

Prof. Dr. Wilfried H. Schnitzler

Université technique de Munich, Chaire de production légumière, Freising-Weihenstephan